Fil rouge de notre année dansante 2024 – 2025
Être vivant est une chose.
Se sentir vivant en est une autre, qui ne va pas de soi.
Quant à vivre, assumer pleinement l’acte de vivre, debout et en pleine santé au centre de notre existence, c’est une chose rare et précieuse qui ne s’apprend pas à l’école.
Hélène Levy-Benseft nous parle de cet Ars Magna, l’art suprême de vivre :
« Vivre. Tout un art qui peut demander une vie. L’art de grandir, de s’exprimer, d’innover, de se transformer, d’aimer, de s’unir à la vie, de s’ouvrir à sa beauté, de s’incliner devant sa grandeur.
Mais quelle école nous propose, en nous en donnant réellement les moyens, de nous initier à cet art ? Quelle pédagogie fait le pari de se fonder sur la connaissance et l’exaltation de notre nature profonde pour en faire le substrat de notre culture ? D’une culture de la vie. […] Quelle école nous propose de vénérer la vie, c’est-à-dire de l’aimer : de nous aimer corps et âme en tant qu’expression de la vie ? »
L’unité perdue
Depuis l’Antiquité, l’homme a voulu classifier : les arts furent catégorisés en majeurs et mineurs, furent séparés des sciences, elles-mêmes divisées en sciences humaines et exactes, la physique et la métaphysique divorcèrent et ainsi de suite.
La vie et le vivant furent ainsi chosifiés et morcelés en portions de plus en plus réduites afin d’être étudiés, modélisés.
Ce faisant, l’être humain devint de plus en plus savant mais paya le prix fort en se retrouvant de plus en plus coupé de la vie, de lui-même et de ses frères et sœurs d’humanité.
Rolando Toro relève par moins de 7 dissociations majeures dans l’Occident d’aujourd’hui :
1. la dissociation entre le corps et l’âme
2. la dissociation entre l’intelligence et l’émotion
3. la dissociation entre le sacré et le profane
4. la dissociation entre le masculin et le féminin
5. la dissociation entre l’homme et la nature
6. la dissociation entre le quotidien et l’éternel.
7. la dissociation entre « moi » et « les autres »
Ces dissociations nous rendent chaque fois plus petits et insignifiants.
Nous avons perdu notre vision de la totalité et avec elle, notre intuition de l’unité et notre sentiment d’appartenance au grand Tout. Dans la symphonie de l’univers dont parle Pythagore, nous jouons à contretemps et accumulons les fausses notes, car notre instrument –nous-mêmes !– est désaccordé.
Une civilisation qui nous rend malades
« La Biodanza est une thérapie pour les malades de la civilisation qui ont perdu la clé de la vie et ont besoin d’apprendre à transformer le schéma de stress en schéma d’harmonie. »
Rolando Toro
Les « malades de la civilisation » dont parle ici Rolando, c’est nous !
Il emprunte ce terme à Arthur Jores, un des pionniers de la médecine psychosomatique, qui fit un bilan de toutes les maladies existantes et en dénombra environ deux mille. Parmi celles-ci, cinq cents à peine sont communes à l’homme et à l’animal. Les mille cinq cent maladies restantes sont « exclusivement humaines » et constituent le prix à payer pour notre mode de vie aliéné et nos conflits émotionnels. Jores les appelle les « maladies de la civilisation » et y inclut : les névroses (dépression, hystérie, obsession, névrose d’angoisse), les psychoses, les psychopathies, les maladies psychosomatiques et autres déséquilibres qui affectent le fonctionnement global de l’organisme.
Ajoutons à cela les niveaux de stress aigu et chronique, qui atteignent aujourd’hui des plafonds jamais vus dans l’histoire humaine, culminant en une épidémie généralisée de burn-out.
La maladie apparaît donc le plus souvent comme une lampe-témoin qui clignote sur le tableau de bord de notre véhicule, nous signalant le besoin de redéfinir notre vitalité, de pacifier nos affects, de transformer notre style de vie.
En tant que psychologue et anthropologue, Rolando Toro a étudié les multiples façons dont la civilisation et notre propre inconscient nous rendent malades. Cela l’impacta profondément, mais lui inspira aussi la création d’une « science rythmique » pour restaurer en l’homme les mouvements naturels, l’harmonie perdue, la musicalité de l’être.
Pour un moment d’émotion, je vous invite à découvrir son émouvante Lettre à Pilar, qu’il écrivit en 1952, alors qu’il avait seulement 28 ans.
Vivre en pleine santé
Sans doute avez-vous lu ou entendu à de nombreuses reprises que la Biodanza, même si elle a des effets thérapeutiques, n’est pas une thérapie.
Et pour cause ! Rolando répétait à l’envi que là où les psychothérapies traditionnelles se focalisent sur les symptômes du « malade », la Biodanza vient stimuler les ressources de santé du participant : ses ébauches de créativité, ses restes d’enthousiasme, son besoin d’amour réprimé, sa capacité d’expression non révélée, sa sincérité…
Pourtant, Rolando lui-même reconnut à la fin de sa vie que la Biodanza était bel et bien une thérapie, autant qu’une pédagogie et une réhabilitation existentielle.
La Biodanza est un art qui parcourt le chemin inverse à la maladie : elle développe les capacités de santé de chaque participant.
Comment ? En libérant nos potentiels innés de vitalité, de plaisir, de créativité, d’amour et de félicité.
En réintégrant les petits bouts de nous désertés en chemin, et en nous réaccordant aux grands rythmes et harmonies cosmiques.
En nous reconnectant avec émotion à la beauté de chaque vie, fût-elle humaine, animale, végétale, minérale, terrestre ou non terrestre.
C’est en ce sens que la Biodanza est prophylactique : son but est de restaurer la pleine santé de l’humain, un humain intègre et intégré, en harmonie avec tout ce qui l’entoure.
Réhabiliter notre puissance d’exister
Si la fourmi a sa fourmicité, la poule sa poulitude et le cheval sa chevalité, l’humanité de l’être humain ne lui est pas donnée : elle est un chemin d’évolution constamment perdu, à réinventer sans cesse.
Mon identité est complexe, ouverte, inachevée : c’est en vivant que j’apprends à vivre, en aimant que j’apprends à aimer, en humant que je découvre les parfums du monde… C’est en m’exprimant que je me découvre, en te rencontrant que je me rencontre, en dansant que j’apprends le langage des corps et en communiant que le langage du cœur se révèle à moi.
Dans la vivencia, dans cette rencontre pleine et intense avec la vie, ici et maintenant, je découvre mes motivations les plus intimes. Et de là naissent mes choix. Personne ne peut me les dicter.
Personne ne peut me dire comment vivre cette existence.
Mais il est possible de créer les conditions favorables pour que je puisse quitter les ornières du malheur (pensées de peur, de culpabilité, de ressentiment, tendances (auto)destructrices, croyances aliénantes, vide existentiel, perte de sens…) et découvrir par la valeur inégalée de ma propre expérience de nouveaux chemins porteurs de joie, de santé et de sens.
L’Ars Magna réunit la science, l’art, la médecine, l’alchimie et l’expérience directe, au service du parfait déploiement de l’anthropos : l’homme éternel, l’être étoile, la femme cosmique.
Avec humilité mais sans fausse modestie, la Biodanza œuvre à nous en approcher.
Lève-toi et Danse !
En conclusion, quelles que soient les circonstances de notre existence, la Biodanza nous dit « Lève-toi et Danse ! Saisis la dernière étincelle de lumière en toi, et à partir de là, sauve tes motivations à vivre, ouvre ton cœur, récupère tes instincts, déploie tes ailes et trace ton chemin. »
La vie est belle. Elle est sacrée.
La Biodanza nous nous exhorte à avoir le courage –l’acte qui vient du cœur– de célébrer la splendeur de la vie à travers notre existence unique.
D’affronter l’adversité avec la force de l’alchimiste, pour transmuter les ombres en lumière.
D’illuminer notre vision de nous-mêmes et du monde, et d’assumer notre grandeur, celle de l’être éternel, pour sauver le divin qui sommeille en chacun.
En nous ouvrant à la beauté et l’abondance de l’amour, nous devenons chaque jour un peu plus enclins à mettre en ce monde davantage de beauté et d’amour.
Laissons le mot de la fin à Rolando Toro, qui nous parle de l’Ars Magna
« Ce n’est pas l’homme qui est au centre de l’univers. C’est la Vie.
La vision anthropocentrique – avec légitimité – nous permet d’appréhender notre histoire et notre dimension sociale. La vision biocentrique nous ouvre l’accès à un monde de forces et d’événements qui n’appartiennent pas à l’homme mais à la vie dans sa dimension universelle.
« Ni le courage, ni l’ordre, ni la grâce ne sont œuvres de l’homme » (Ezra Pound, Chant 81).
Nous avons la faculté de construire et de détruire, nous pouvons être mesquins et cruels, nous pouvons classer nos erreurs et enregistrer nos informations, nous pouvons même créer des lois de cohabitation, mais l’apothéose cosmique, éclatante de beauté et d’indicible terreur, n’est pas notre fait. La grâce et l’amour sont des forces qu’il nous est donné de connaître, seulement lorsque s’amplifie la dimension de notre perception.
La Biodanza est le chemin qui nous conduit à l’Art de Vivre. Elle nous invite à la grande danse cosmique et ses recours sont eux aussi universels : le rythme et l’harmonie musicale, le mouvement organique, la création et la rencontre aimante.
La Biodanza est l’Ars Magna, l’Art Suprême qui conduit à la santé en tant que pleine expression de l’ordre cosmique. »
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Tu veux lire la lettre de ce jeune Rolando visionnaire de 28 ans, écrite en 1952 à son amoureuse, et où tressaillent déjà les premiers soubresauts de la Biodanza? Regarde ici.
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Envie d’en savoir plus sur le processus évolutif proposé lors des cours hebdomadaires de Biodanza? Voici la page.
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Et ici, toutes les infos pratiques sur les cours hebdomadaires d’Aime Vis Danse.
Bibliographie
Biodanza : Ars Magna, Manuel de Formation, Rolando Toro Araneda
L’alchimie, Serge Hutin, Que sais-je ?, 2018
De l’art de soigner à l’art de vivre, article de Ana Maria Alberti et Guillermo Retamosa, traduit par Paula Roulin-Prat (2018)
Ars Magna: un apport pour la Biodanza, article de Marina Preiss, traduit par Paula Roulin-Prat (2020)
Sur les traces de Rolando Toro, article de Gaston Andino, traduit par Paula Roulin-Prat (2020)
Quels sont les neuf arts majeurs ? article de Sam Zylberberg, https://jeretiens.net/les-neuf-arts-majeurs/