Les protovivencias de mouvement et d’expression
L’élan vital, l’énergie à notre disposition pour vivre en tant qu’adultes, est fortement lié à la liberté que nous nous donnons de bouger, de nous exprimer…
Et cette liberté de mouvement et d’expression a souvent été inhibée dans l’enfance par des « protovivencias » freinées, voire empêchées par l’éducation (protovivencias = vivencias originelles, vécues dans les mois qui suivent la naissance).
Protovivencia de la vitalité : liberté de mouvement de l’enfant, et façon dont on a respecté ses rythmes propres (repos, faim, …). Imaginez ce que vit un enfant emmailloté, coincé dans son relax toute la journée et nourri mécaniquement à heures fixes…
Protovivencia de créativité : liberté que l’enfant a eue d’explorer son environnement, d’exprimer ses sensations et ses émotions, tant de bien-être
(joie, rires, espièglerie, …) que celles du malaise (pleurer, crier, etc.), et aussi de tâtonner par le langage (areuh, bababa, …). Imaginez ce que vit un enfant enfermé dans un parc, à qui l’on interdit de découvrir le monde par ses petits doigts sous prétexte que « C’est sale » ou « C’est pas pour toi », qu’on laisse babiller dans un coin sans interagir avec lui…
L’enfant grandit
Imaginez-vous un enfant grandissant -et c’est fréquent- dans une famille où chaque élan spontané est brimé (« Tiens-toi tranquille, « Arrête de courir partout », « Tais-toi », « File te calmer dans ta chambre » dès que l’enfant tente de protester ou de dire sa colère). Ou alors une famille dont un parent est dépressif: la joie et le rire sont indécents et l’enfant doit les refouler.
La liberté de l’enfant est blessée, il en vient à penser qu’être spontané, être lui-même, s’exprimer est dangereux.
Il en résulte une restriction de la créativité et une inhibition globale de l’expression en général. Comme une sorte de «restriction», d’inhibition de l’identité. Quand nos éducateurs nous ont passé comme message qu’il y une « bonne » et une « mauvaise » façon de nous comporter, de nous exprimer, nous en déduisons (et parfois ils le disent texto) qu’il y a une seule bonne et des tas de mauvaises façon d’être.
Quand l’amour est conditionnel, et que le moindre faux pas risque de nous le faire perdre, l‘enfant n’a plus qu’une seule obsession : « bien faire » pour être bon et être accepté, aimé.
C’est de là que naît…
…l’obsession du contrôle
Il faut se contrôler pour être adéquat, aimable, parfait. Mais contrôler tue la spontanéité, épuise la vie en nous.
Toute l’énergie vitale est alors utilisée pour deux choses :
- Réprimer les sensations et émotions jugées non convenables (contrôle de soi allant jusqu’à la rigidité caractérielle)
- Se montrer sous son meilleur jour, bien lisse, conforme, normal à l’extrême (c’est la névrose généralisée, parfois appelée normose)
Et quand l’énergie vitale spontanée est ainsi empêchée, de même que les émotions jugées « mauvaises » comme le désir sexuel, la colère, l’agressivité pour se défendre quand on est attaqué, voici ce qui se passe le plus souvent pour la personne:
- soit elle « s’exprime » inconsciemment en criant son malaise par les symptômes (c’est les troubles psychosomatiques ; l’asthme qui crie l’oppression – « je manque d’air » ; la constipation quand on retient sa m…. ; les douleurs au ventre qui hurlent la colère refoulée, etc…)
- soit elle ne somatise pas, et comme il ne reste qu’un mince filet de vie de l’autre côté du barrage, la personne se sent fatiguée, vidée, parfois déprimée, ou bien elle développe des fixations, des peurs obsessionnelles.
- soit c’est un mélange de fatigue / dépression, fixations et somatisation.
Liberté de mouvement: une porte vers la créativité existentielle
Quand la Biodanza nous invite à libérer notre mouvement, c’est tout notre être, toute notre existence qu’elle nous invite à libérer, en commençant par nos tensions corporelles et psychiques. Car sans un mouvement libre de tout le corps, il est difficile de parvenir à la libération des tensions, des blocages expressifs de toutes sortes.
Danser hors des schémas ou des modèles établis, c’est se libérer non seulement de notre carcan postural et de nos tics de mouvement, mais bien davantage que cela, c’est expérimenter une manière neuve et singulière de créer notre vie, affronter la peur de se tromper, d’être inadéquat ou ridicule, pour découvrir et assumer son unicité.
Vue sous cet angle, la liberté de se mouvoir librement sans préoccupation de performance, devient la porte vers la liberté d’exister tels que nous sommes, pour offrir au monde notre singularité, loin des modèles établis, loin des injonctions normatives et des comparaisons qui étouffent notre créativité existentielle.