Transe & Régression en Biodanza
Le mot TRANSE vient du latin « TRANSIRE » et dérive de transit, transport, passage d’un état à un autre état. La transe est un phénomène biopsychologique de perte de l’état habituel d’attention, un changement d’état de conscience qui est toujours accompagné de modifications cénesthésiques, c’est-à-dire de modifications des perceptions corporelles (sensations corporelles de légèreté et de fluidité entre autres). On perd la conscience normale du temps, on contrôle de moins en moins nos gestes et comportements.
Le phénomène de la transe peut être déclenché de diverses manières : par le rythme, la suggestion, l’hypnose individuelle ou collective, l’autosuggestion médiumnique, le rêve guidé, etc.
Si certaines transes spontanées possèdent des effets de dissociation, voire de morcellement de l’identité (transe psychotique ou de possession, par exemple), la Biodanza a recours uniquement au grand pouvoir de la transe dite « intégrative ».
LA TRANSE INTEGRATIVE
La transe intégrative est fréquente chez la personne « saine ». La transe qui conduit au sommeil et aux rêves agréables, la transe qui transporte les amants dans la communion et l’extase sexuelle, sont des exemples de transe intégrative.
Les transes mystiques accompagnées de sentiments de plénitude, de bien-être suprême émotionnel et physique, peuvent être considérées comme étant aussi des expériences de transe intégrative.
Les états de transe induits par les exercices de Biodanza sont, sans aucun doute, intégrateurs : l’angoisse et l’anxiété disparaissent, la personne éprouve un bien-être physique profond et une sensation de plénitude et d’amour de la vie qu’il lui est souvent difficile de décrire.
La transe est un état dans lequel l’ego fait silence. La vivencia corporelle est une sensation d’harmonie, de dissolution des tensions corporelles. La sensibilité se déplace vers la peau qui devient ultrasensible. A certains moments, l’extase peut devenir si intense que les stimulations musicales sont perçues comme des « décharges de plaisir » qui parcourent le corps tout entier. Les limites corporelles sont moins définies, et le corps acquiert une qualité évanescente, voluptueusement réceptive. Un sentiment d’affectivité indifférenciée, de fraternité avec tout le créé, émerge comme une émotion fondamentale.
Le danseur est dansé par la musique, il « est » la musique. Il ouvre les ailes à tout ce qui l’unifie, dans la joie. Il se recharge d’énergie vitale et cette sensation perdure lorsqu’il « récupère son identité ». Comme si, pendant le processus de transe, son « vieux corps souffrant » se régénérait.
L’indication du succès thérapeutique de la transe en Biodanza, est justement la sensation d’harmonie ineffable dont témoignent les participants lorsqu’ils sortent des états de transe et retrouvent leurs limites identitaires.
Pouvoir de la transe intégrative
La transe est un état altéré de conscience qui implique la diminution de l’ego et la régression au primordial, à l’originaire, d’une certaine façon à l’étape périnatale. Il s’agit d’un phénomène de régression aux états initiaux de l’existence.
Sur le plan physiologique, la transe a une action harmonisante sur le rythme cardiaque, la pression artérielle, le péristaltisme intestinal et la capacité respiratoire.
Les effets de la transe ont le caractère d’une rénovation biologique parce que, pendant cet état, se rééditent les conditions biologiques du commencement du développement humain (métabolisme plus intense et éveil de la perception cénesthésique) et les premières nécessités de protection, de nutrition et de contact.
Pour cette raison, les exercices de transe en Biodanza permettent la reparentalisation, c’est-à-dire le « naître à nouveau » dans un contexte d’amour et de protection. De nombreux adultes portent en eux un enfant blessé, un enfant abandonné, sans amour. La transe intégrative a donc un effet réparateur. La « sortie » de la transe de régression est accompagnée d’un sentiment de renaissance.
LA REGRESSION
La régression est un passage vers un état dit « indifférencié ». Dans la mesure où nous abaissons le niveau de notre identité, nous entrons dans un état différent qui se traduit par une réduction, ou disparition, de l’activité volontaire et corticale, avec une perte de la notion du propre corps, c’est-à-dire de l’identité corporelle, de la corporéité.
En Biodanza, la régression est progressive, harmonieuse. Il s’agit d’une régression biologique par laquelle sont réactivés des modèles physiologiques primordiaux. La régression est salutaire, non seulement parce qu’elle permet d’intégrer et d’harmoniser les fonctions organiques, mais aussi parce qu’elle nous met en contact avec notre essence saine, débarrassée des pathologies culturelles.
La régression, le retour à l’origine
par Rolando Toro Araneda
(Extraits choisis)
Mai 2008
« Il existe une relation étroite entre la semence et le fruit, entre le programme génétique et l’organisme dans son processus de maturation ; le secret de la rénovation de la vie se trouve dans cette cohérence avec l’origine. Sans la capacité de se recréer, aucun organisme ne pourrait survivre.
L’approche psychanalytique concernant la régression comme un fait psychologique a été dépassée par une série de découvertes dans le domaine de la biologie, réalisée par Adriaan Kortlandt, Sidney G. Margolin et autres. Ces chercheurs ont démontré que chaque processus biologique, c’est à dire chaque pas en avant vers une structure plus intégrée, complexe et autonome, demande une régression préalable. A. Kortlandt utilise le terme de « re-progression » pour décrire le processus de « régression régénératrice » dans le développement du cormoran. J. Rof Carballo affirme que si les systèmes biologiques n’étaient pas capables de régresser vers une phase primaire du développement, soit vers une phase embryonnaire de la structure en soi dé-différenciée, l’organisme perdrait un de ses plus importants dispositifs de sécurité.
Chez l’être humain, la possibilité de régression se présente à tous les niveaux ; celui de la rénovation biologique et existentielle est bloqué cependant par des structures culturelles qui renforcent la rigidité de l’ego. La transe régressive de renaissance demande une réelle humilité : retourner de la qualité de personne à celle de semence représente une action anti-culturelle. Affronter l’immensité de l’autre pour atteindre le « tout-soi-même » demande de se dé-différencier, de sortir du temps historique. Nous pouvons étendre notre échelle de conscience ou, au contraire, la restreindre.
En Biodanza, le processus de régression est facilité par des danses et des musiques particulières qui amènent à l’extase à l’intérieur d’un « utérus » d’amour communautaire qui est le groupe.
Pendant l’état de régression, le participant, comme dans les cérémonies archaïques des peuples primitifs, retourne à la condition primordiale, à l’indifférencié. Celle-ci n’est pas une simple représentation symbolique, mais l’induction d’un état biologique de rénovation et de réintégration dans l’unité biocosmique. L’homme perd sa forme pour renaître dans un corps nouveau, libre de toute rigidité physique ou mentale.
La musique accomplit un rôle très important dans ces cérémonies de régression. Elle facilite la dissolution du Moi, son abandon dans « l’utérus » formé par le groupe ; elle pénètre peu à peu les zones insensibles et rigides, et les espaces corporels s’étendent, pleins de vibrations, au fur et à mesure que l’abandon augmente.
De nombreux exercices réalisés en Biodanza préparent l’organisme du participant au processus de « re-progression », susceptible d’élever son degré de santé, par un retour à la terre comme au sein maternel, rénovant l’expérience fœtale, en résonance avec la voie cosmique dans une pleine et douce volupté. Le « nouveau-né » est à nouveau touché par la grâce et rendu à sa vision intérieure. Au niveau symbolique, la grande union du Père, de la Mère et de l’Enfant se rétablit. Et cette « renaissance » n’est pas seulement un fait individuel, mais aussi une variante intégrante du processus social. La vivencia de régression en Biodanza se produit par l’induction d’états de transe intégrante. »
« L’Univers tout entier palpite.
Tout est en pleine création.
Et te voilà, ici, flottant entre deux éternités.
Vivant ».
(Rolando Toro, pendant une séance de Biodanza)